Céline Foissey ou l’évolution d’une calligraphe, interview sans tabou !

 

PluCa: Bonjour Céline, ou madame la Directrice, ou Professeure, ou… Tiens, comment doit-on t’appeler ?

CF: Vous pouvez faire une révérence quand j’arrive, lol !

Non, alors Céline sera très bien. Ici je réponds en tant que formatrice, créatrice, artiste, probablement en tant que présidente de PluCa France ( NDLR Lire « Plumes et Calames France», voir plus bas) mais surtout en tant que personne !

 

PluCa: Tu as pu lire les autres interviews, donc tu sais que je vais être très indiscret et que je vais te demander de nous retracer tes débuts en calligraphie…. C’était quand et comment ta “première fois” ?

CF: Mon rapport avec l’écriture est un peu flou. Petite, je me souviens ne pas vouloir écrire de la même manière sur mes cahiers avec un stylo bille ou un crayon de bois. Ma mère  a été convoquée à l’école pour ça ! Mais ça me semblait logique de ne pas faire la même écriture puisque ce n’était pas le même outil !

Mon premier vrai cours de calligraphie, c’était avec Kitty Sabatier à Paris sur de la Chancelière. J’étais entourée des personnes qui pratiquaient depuis longtemps et, moi, je découvrais l’automatic pen. J’ai gardé mon cours 😊

Ensuite, je suis entrée à l’Institut Alcuin, à Saint-Cyr-sur-Loire, pour faire un cursus de Bel Ecrit, sans trop savoir où ça allait me mener… J’avais la vingtaine et aucune véritable idée de ce que je voulais faire, je me suis fait plaisir avec cette formation pendant que je bossais en intérim.

A l’issue de la formation, j’ai décroché un travail de médiatrice culturelle dans un Musée (musée Joachim du Bellay à Liré). Ils cherchaient un spécialiste en calligraphie, c’était à 30mn de chez moi : ça si ce n’était pas un signe ! J’y suis restée 4 ans. Et puis les choses se sont essoufflées.

J’ai participé à beaucoup de stages, je donnais des cours en parallèle, mais je me sentais frustrée dans la création. Je n’arrivais pas a faire ce que je souhaitais de la calligraphie. Je l’ai progressivement mise en sourdine et me suis consacrée à une carrière d’assistante de direction dans un hôtel des ventes aux enchères sur Nantes.

 

PluCa: Et donc après une traversée du désert, il y a trois ans, tu reprends progressivement la plume, au point que l’équipe de Plumes et Calames te sollicite pour prendre en charge l’agenda des stages, tu as très vite trouvé ton rythme et tes marques dans cette fonction…

CF: J’ai effectivement fait le choix il y a 3 ans de me donner une chance dans la création. Je suis beaucoup plus sûre de moi et mon expérience dans le monde de l’entreprise m’a sûrement formée autrement. Je n’ai jamais complètement laissé tomber la calligraphie et Plumes & Calames m’a toujours aidée. Aujourd’hui je pense que nous avons une vision commune sur ce que devrait/pourrait être l’association.

 

PluCa: Du coup, Plumes et Calames organise des Stages sur Nantes maintenant… Tu as une minute pour donner à la France, la Belgique et la Suisse l’envie d’y venir en week-end de formation en 2020…

CF: Et oui ! Nantes accueille des stages, en tant qu’antenne de la Belgique, et c’est très bien comme ça. Je trouve que ça a du sens de travailler à travers les frontières plutôt que chacun dans son coin.

La grande partie des stages est dédoublée entre la France et la Belgique. Les formateurs ont donc l’opportunité de donner deux stages au lieu d’un dans l’année. C’est une manière de les soutenir dans leurs parcours (pas si simple) d’artistes.

En 2020, le programme est centré sur la lettre, formes et contreformes. 2019 avait une visée créative et il me semblait important de revenir aussi à quelque chose de plus ‘classique’. Même si les choix de l’association sont clairs : classique ok, mais pas conventionnel ! Il a fallu faire des choix de formateurs et ça n’a pas été facile !

 

PluCa: Tiens, et si tu avais carte blanche et chèque de la même couleur, quel serait le stage le plus dingue que tu voudrais organiser?

CF: J’aimerais organiser un stage de plusieurs semaines, avec plusieurs artistes, comme une progression allant de la base classique d’une écriture jusqu’à sa dimension actuelle.

Par exemple, démarrer avec une chancelière sur papier, historique, maîtrisée, passer par une chancelière qui danse sur papier avec des outils différents, puis en voir son usage au fil des siècles en communication, ses déformations, puis finir par son usage actuel dans la société en numérique.

Je trouve que dans les stages on survole les choses. C’est toujours trop court ! J’ai fait les 6 semaines de stages en ligne avec Yves Leterme sur la Trajan (et je ne m’en suis pas remise encore), mais j’ai adoré reprendre du temps pour une écriture. La vérité c’est qu’après 6 semaines, je n’en pouvais plus, mais c’était encore trop court 😃

 

PluCa: Je te fais grâce de ma traditionnelle question générale sur la calligraphie, parce que je sais que cette notion évolue beaucoup ces derniers temps chez toi alors je vais en poser une autre: tu es plutôt crêpes au beurre salé ou frites mayo?

CF: Mmmh…. J’aime les GALETTES (oui y’a une différence messieurs dames !) au beurre salé (tout autre beurre n’existe pas) !

 

PluCa: Bon, n’empêche… tu as développé un style qui t’es propre et un univers que tu a partagé avec nous dans un stage à la Marlagne et où tu as réussi à me faire dessiner … tu pourrais expliquer tout ça aux personnes qui nous lisent et qui doivent se demander de quoi je parle ?

CF: Cette année, j’ai voulu montrer aux élèves qu’avec un peu d’astuces, ils pouvaient utiliser leur savoir-faire de calligraphe dans des compositions. C’est probablement un des stages que j’aurai voulu faire moi-même à une époque : comment associer des éléments ensemble, raconter mon histoire, utiliser la calligraphie au service d’une image…  Ici la calligraphie n’était pas au centre du stage c’était un des éléments. On apprend dans le stage ‘Silhouettes’ à dessiner des silhouettes : tout le monde sait dessiner, chacun à son niveau ! Puis on y associe une phrase et on crée une composition.

Il faudrait plus de temps aux élèves pour assimiler le stage, je sais que j’en demande beaucoup le second jour. La composition c’est dur, mais tellement satisfaisant.

Je ne calligraphie pas moi-même des pavés de textes, j’aime dessiner, j’aime peindre, j’aime associer tout ça. C’était donc assez naturel de faire ce type de stage. Et puis je crois qu’on vient maintenant me chercher pour ça. Le stage 2020 sur la couleur et la rotunda va être super !!!

 

PluCa: Tu vas continuer à explorer cette voie? Tu as des projets en cours?

CF: Les projets en cours…. Oh la la la la lol

Je me suis fait plaisir en ce début d’été en apprenant des techniques de gravure sur plaque de cuivre et là, je suis encore entrée dans un autre univers, j’y vois de multiples possibilités. De même les gens qui me suivent le savent, je bosse aussi en numérique. Je m’imagine devant touuuuuuuuuuutes ces portes que j’ai envie de pousser et chaque fois il y a encore pleeeeeeeeeeeeins de portes !

Pour moi, tout ça n’est pas incompatible avec la calligraphie. La calligraphie traditionnelle c’est une base de travail, c’est notre histoire, c’est un terrain de jeu formidable mais ce n’est pas une finalité. Je ne cherche pas à devenir un grand maître du XVIème siècle, ça n’aurait pas de sens. En ce qui me concerne c’est un moyen d’accéder à d’autres sphères comme la communication, l’illustration. Je suis une fille de mon temps et les joujoux numériques en font partie !

C’est donc vers cela que mon avenir se profile.

 

PluCa: Viennent maintenant les deux questions bateaux auxquelles tu n’échapperas pas:
Qu’as-tu envie de dire aux personnes qui débutent en calligraphie?

Faites-vous plaisir ! Ne cherchez pas immédiatement la perfection. La calligraphie c’est une question de personnalité : respecter l’écriture et son histoire et son aspect technique oui, mais n’en faites pas de la typo 😊

 

PluCa: Et en pure théorie, si tu avais ton mot à dire sur l’avenir de la calligraphie, tu aimerais quoi?

C’est compliqué car j’aimerais que les calligraphes se bougent. Et je dis ça en toute humilité car je suis toute petite 😊

Si chacun reste dans son coin, il ne se passera rien. Pour être reconnus aux yeux du monde de l’entreprise, par exemple, il faudrait se serrer les coudes. J’ai l’impression que dans le monde, on a plus de liberté de calligraphie en Australie, en Angleterre, aux Etats-unis. En Europe c’est un peu figé, comme si le calligraphe n’était qu’un petit scribouillard dans son coin ou qu’il ne peut œuvrer que dans les associations (et heureusement qu’elles sont là). Il a du mal non seulement à se faire reconnaître en tant qu’artiste contemporain, mais aussi en tant qu’artisan ou professionnel de la communication.

Ce n’est pas vrai partout, ni pour tous les pros évidemment, mais quand même il y a cette stagnation présente… difficile à expliquer.

En typo, en lettrage, en peinture en lettre, il existe des regroupements, des colloques où on explique son travail, où on félicite son collègue et où l’on se rend même si on n’est pas au centre du projet, parce que c’est important de garder un lien avec le milieu professionnel dans lequel on évolue et, qu’à plusieurs, on est plus fort.

Mais vous l’aurez compris, pour moi, la calligraphie a de l’avenir si elle se mêle aux autres techniques, sinon elle restera toujours une niche. On devrait faire partie de ces colloques autour du lettrage en fait 😊 on devrait être représentés !

 

PluCa: et à toi, que peut on te souhaiter?

CF: Moi on peut me souhaiter de m’affirmer et de prendre confiance en moi !

 

PluCa: un grand merci, Céline… Je voudrais te dire que tant sur le plan personnel que professionnel en tant que prof ou associée, c’est un véritable plaisir de travailler et d’échanger avec toi et je te remercie de tout le temps que tu nous consacres.

CF: merci merci !!! 😉

 

 

Pour (re)découvrir l’univers de Céline :

 

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