PluCa: Et bien dis moi, on a eu les résultats de l’enquête de satisfaction du stage que tu as donné à Tournai pour « Diamonds are Girl’s Best Friends » … on frôle les 99% de satisfaction! D’un autre côté, Il n’a pas fallu te pousser beaucoup pour que tu nous dises oui pour un double stage (stage à venir – à Nantes les 28 et 29 septembre 2019) .
Tu as fait fort pour ton retour chez Plumes & Calames. C’était quoi ton idée quand Céline t’en a parlé et comment as-tu vécu ce stage hors des normes habituelles de la calligraphie ?
A.D.: Bonjour Philippe,
Partante pour intervenir chez Plumes et Calames!? Bien sûr!!! C’est une évidence!
L’ASBL m’avait sollicitée à la base pour donner un stage de gothique au choix… Pourquoi pas? Le côté historique de la calligraphie me passionnant, c’était tout à fait envisageable. Mais il fallait bien choisir un type de gothique : bâtarde, cursive, fraktur…? Comment faire. Après quelques échanges avec Céline à propos du fil conducteur de la saison 2018-2019 de Plumes et Calames “Femmes, je vous aime”, j’ai pensé qu’il serait intéressant de trouver une figure féminine autour de laquelle articuler le stage. J’ai donc suggéré de partir d’un manuscrit précis ayant appartenu à une femme, pour en découvrir son histoire, son écriture et son ornementation : le livre des bijoux de la Duchesse Anne de Bavière. C’est assez logiquement que j’ai donc proposé d’aborder d’après l’ouvrage une gothique textura quadrata tardive et d’agrémenter le stage de notions d’enluminure sur le thème du bijou en trompe l’œil! Tout un programme, particulièrement… “girly” (qui a bien inspiré Céline pour le titre)!!!
PluCa: Tiens… juste pour les nouveaux qui te connaissent moins, tu pourrais nous rappeler comment tu en es arrivée à la calligraphie ?
A.D.: Bien sûr 😉 allez je le fais façon “Fabuleux destin d’Amélie Poulain”, ok?
Il était une fois… une petite fille qui aimait beaucoup dessiner et qui adorait parler! Un jour pour synthétiser ces deux actions, elle se mit à écrire. Mais comme elle voulait que cela soit joli, elle y ajouta des marges décorées de feuillages et d’animaux fantastiques. Une prof d’histoire attentionnée qui passait par là, l’emmena découvrir des manuscrits médiévaux originaux à Paris. L’éclat de l’or sur le parchemin était tel, qu’Amélie en fut tout éblouie! De retour chez elle, la collégienne décida de se mettre à la calligraphie grâce à des livres d’apprentissage. Puis lycéenne elle expérimenta l’enluminure et commença à fréquenter des associations en France pendant ses vacances pour y suivre des stages. Ainsi semi-onciale irlandaise, lettres ornées, écritures médiévales se mirent à couvrir le bureau d’Amélie…
Bon j’arrête là le roman et surtout la 3e personne (avant qu’on me surnomme l’Alain Delon de la Calligraphie!).
PluCa: Et depuis, tu n’as plus arrêté … c’est quoi, ton parcours ?
A.D.: Par la suite, après un bac Littéraire Arts Plastiques et un passage en Graphisme à St Luc Tournai (chez vous!!), j’ai choisi de poursuivre des études en Histoire de l’Art à Lille. J’y ai ainsi obtenu un Master, avec comme spécialité l’enluminure médiévale bien sûr. Parallèlement à ce cursus, j’ai suivi l’enseignement de l’Institut Alcuin de Tours où étaient proposées en 2 ans les bases de la calligraphie latine et de l’enluminure (ce centre de formation a cessé son activité depuis quelques années). Bien que très enrichissante, je ne me suis pas arrêtée à cette école et j’ai continué à fréquenter les stages d’associations comme Scripsit, Graphein, Graphos, ou encore Plumes & Calames. C’est là que j’y ai rencontré un grand nombre de professionnels de l’écrit qui m’ont beaucoup appris au point de vue technique et pédagogique.
En effet, c’est à Saint-Amand-les-Eaux que j’ai le plaisir depuis 2004 d’enseigner à mon tour la calligraphie latine. Les ateliers sont complets (plus de 45 inscrits à l’année)! C’est parfois assez sportif d’enchaîner les 3 cours sur 2 jours! Mais je m’épanouis réellement dans la formation de la calligraphie en tant que loisir artistique, à la fois historique et créatif. Ce succès est dû en grande partie à la notoriété du Mai de la Calligraphie.
PluCa: Et là tu es en plein dans le développement du “Mai de la calligraphie”… Tiens, tu en es à combien d’organisations ? Tu as commencé comment et comment ça s’organise une machine pareille ?
A.D.: Le premier “Mai de la Calligraphie” date de 2003. Cet événement, initié par la Municipalité de Saint-Amand-les-Eaux pour remettre en valeur le patrimoine écrit de l’ancienne abbaye locale, en parallèle de la création calligraphique contemporaine, devait initialement durer un mois (mai 2003). Mais devant l’enthousiasme du public et la demande des élus de renouveler les expositions et varier les animations, l’événement s’est pérennisé et existe toujours aujourd’hui! Nous en sommes à 16 éditions (en comptant 2 années de formule de résidences d’artistes et 1 édition plus réduite consacrée à l’art postal). L’écriture est un sujet inépuisable! Alors même si les claviers, tablettes et écrans tactiles remplacent progressivement le geste ancestral, le plaisir d’écrire à la main existe toujours et je pense donc que nous pourrons encore tenir quelques décennies !!!
PluCa: Et là, tu nous invite à une rencontre transfrontalière lors du Mai de la Calligraphie 2019…
A.D.: Oui! pour partager ensemble l’art des belles lettres, il m’a semblé tout naturel de proposer à nos amis belges de Plumes & Calames une visite de l’exposition “Divines écritures”. Surtout que, cette année, notre maire Alain Bocquet a proclamé “Saint-Amand-les-Eaux, nombril du monde” : parfait prétexte à inviter des délégations de différents pays (de l’Allemagne au Pérou) pour faire la fête et prôner le bien-vivre ensemble!
PluCa: Raconte … Quel est ton meilleur souvenir des “Mai de la Calligraphie” en dehors de cette année ?
A.D. : Humm… dur de ne choisir qu’un seul souvenir… j’ai envie d’évoquer la standing ovation, d’une salle comble et durant plusieurs minutes, réservée à Julien Breton (Kalaam) et sa compagnie lors de la représentation de Turn off the light. Durant la Nuit des Musées 2017, ce spectacle mêlant musique, danse et lightgraff avait su transporter le public dans un univers sensible et poétique. Un joli petit moment de grâce, éphémère (à l’image des calligraphies de lumière de Julien), qui avait ému artistes et spectateurs.
Mais au fait, Philippe, et le tien de meilleur souvenir pour Plumes & Calames, ce serait quoi????
PluCa: Là, tu m’as eu… C’est moi qui pose les questions, crénom… Bon, allez… C’est bon pour une fois: sans aucune hésitation, j’en ai trois: l’événement organisé à Wépion pour nos 10 ans, le renouveau vécu avec l’équipe constituée l’année passée et, sur un plan personnel, mon évolution personnelle en calligraphie: chaque pas me coûte une effort incroyable, mais une fois passé, soulève des émotions puissantes… Alors qu’il reste tant de chemin à faire…
Allez, on reprend, pendant qu’on y est, profite de la tribune : qui as-tu toujours eu envie d’inviter et qui n’a jamais pu venir?
A.D.: Sawalon? Lol. C’est l’un des enlumineurs emblématiques du scriptorium de Saint-Amand à l’époque romane!!! Après tout, c’est un peu grâce à lui et aux moines copistes de notre abbaye qu’est née l’idée de créer ici le festival du Mai de la Calligraphie. Plus sérieusement, nous espérons recevoir encore de nombreux artistes à l’avenir. Même si certains contacts sont déjà pris, la porte est ouverte à de nouveaux visages. Mais attention, la sélection est sérieuse, car nous n’invitons que des calligraphes dont le travail entre en résonance avec une thématique annuelle choisie par la Municipalité. Quelques calligraphes que j’aimerais (personnellement) un jour accueillir : David Lozach (France), Joke Boudens (Belgique), Loredana Zega (Slovenie), ou Lalit Mourya (Inde)?
PluCa: Tout autre chose, toi qui rencontres plein de calligraphes de haut vol… Si tu devais leur faire passer un message, que leur dirais-tu ?
A.D.: Juste 2 mots : merci & encore!!! Continuez de nous faire rêver à travers vos créations, et de partager avec le plus grand nombre cet art ancestral en renouveau perpétuel.
PluCa: Et d’un autre côté, en tant que formatrice, je n’ose même pas compter le nombre de personnes que tu as eu l’occasion de lancer en calligraphie… mais si, ici et maintenant, tu étais devant un auditoire d’apprenants en calligraphie et en enluminure, quel serait le message fort que tu voudrais leur faire passer ?
Lancez-vous et amusez-vous! Bien sûr, la méthode et l’apprentissage des bases sont essentiels (formes, proportions, ductus…). Mais la pratique de la calligraphie doit avant tout être source de bien-être et de créativité. S’exprimer sur le papier (ou autre support d’ailleurs) c’est dévoiler une part de soi-même, c’est libérer son geste et ses émotions. Alors, profitez et lâchez prise!
PluCa: Nous allons te laisser… Nous savons, pour le vivre de pas très loin tous les ans, que le terme « Mai de la Calligraphie » se retrouve dans une bulle Amandinoise d’espace/temps particulier, mais je ne voulais pas terminer sans te rappeler que tu es toujours la bienvenue que ce soit à Nantes, Tournai, Mons ou Wépion…
A.D.: Merci les amis, c’est toujours un plaisir de se retrouver!
A bientôt pour écrire ensemble un nouveau chapitre de notre belle histoire calligraphique 😊